Comment renforcer l’accès aux droits pour les travailleur·euses du sexe (TDS)? Et comment agir, en pratique, pour réduire les seuils d’accès aux services social-santé bruxellois?
Dans un contexte marqué par les inégalités sociales de santé, par la stigmatisation des personnes TDS, par de multiples discriminations, par des problèmes de logement, d’accès problématique à l’aide sociale, le workshop “Clés pour des pratiques plus inclusives”, co-organisé le 28.10.2025 par Brusano et BruZEL, donne la parole à Espace P. et UTSOPI.
L’objectif de ce workshop est de présenter et mettre en commun, à partir de la longue expérience et expertise en la matière de deux associations, une diversité de pratiques inclusives se déployant dans le travail de proximité auprès des travailleurs et des travailleuses du sexe.
Les notions-clés qui structurent la vision et inspirent le travail de terrain d’Espace P et UTSOPI: le développement du pouvoir d’agir des personnes, une approche en termes de réduction des risques et l’établissement d’une relation de confiance. Pour tisser cette relation de confiance, – cela peut prendre du temps – les deux associations combinent permanences en ligne, travail de terrain/prévention en rue, outreach et disponibilité des professionnel·les dans les bureaux des associations.
Le défi de la gestion du stigmate est d’emblée considéré comme très important : il existe souvent de réelles craintes de parler et de rendre publique l’activité, il y a encore de nombreux tabous, sans oublier les représailles ou la violence dans le milieu. Dans ce cadre, les deux associations esquissent quelques pistes à adopter en termes de communication et de posture à destination des professionnel·les : neutralité, bienveillance, ne pas formuler des avis non demandés.
Ouvrir la Boîte à outils
Une boîte à outils susceptible d’être utile à tout·e professionnel·le concerné·e par le travail du sexe est proposée :
- L’importance d’être conscient·e du regard que l’on porte sur les réalités et vécus de la prostitution, et être attentif·ve aux mots que l’on utilise, aux manières de parler, aux discours que l’on porte, ne pas juger et éviter toute projection;
- La capacité à se remettre en question, à se poser en équipe, à ne pas camper sur des positions figées d’autant que la prostitution évolue et change de visage (rue, escort, en ligne, etc.) ;
- Avoir conscience de la réalité du non-recours aux droits de la part des TDS : il existe de nombreux obstacles/contraintes à affronter (violence, isolement, repli sur soi, logement, santé mentale, ineffectivité des droits sociaux, etc.).
Communiquer et cultiver des pratiques inclusives
Quelques pratiques inclusives sont partagées pour inspirer les acteurs généralistes social-santé bruxellois dans leurs propres démarches et actions:
- Combattre les idées reçues, les stéréotypes, les clichés touchant les travailleurs et travailleuses du sexe circulant encore largement dans la société ;
- Se montrer attentif au langage non-verbal, aux gestes, aux corps et être en mesure d’établir un dialogue avec les TDS sur base d’une approche bienveillante, sans jugement, à partir d’un décodage subtil ce qui est dit et n’est pas dit ;
- Travailler en réseau notamment avec les CPAS, la police, la justice, les acteurs du logement ou les différents services sociaux ;
- Garantir l’anonymat et la discrétion au quotidien ;
- Valoriser et mettre en pratique empathie et respect
Partager quelques bonnes pratiques de suivi et accompagnement des TDS
Certains acteurs social-santé évoluent et se montrent ouverts à une approche plus inclusive envers les TDS. Les mentalités changent. Par exemple, le workshop “Pratiques plus inclusives” a mis en évidence des collaborations positives et des projets novateurs, liant Espace P. avec d’une part le CPAS de Bruxelles-ville et d’autre part le CPAS Schaerbeek afin de mieux accompagner, informer et aider les TDS.
L’objectif d’Espace P. est d’élargir le projet à d’autres CPAS bruxellois pour avoir un impact positif plus important auprès des TDS.
Discuter de quelques défis
Les échanges entre participant·es et avec les intervenant·es ont été riches après les présentations par UTSOPI et Espace P. En synthèse, plusieurs sujets ont été abordés. Cela a permis de compléter la palette des pratiques inclusives qu’Espace P mobilise chaque jour:
- Le rôle clé de la police dans le travail de terrain et l’importance de poursuivre la formation des policières et policiers aux réalités des TDS ;
- La question des langues, et plus largement celle de la culture, comme richesse/obstacle au travail de terrain: Espace ne dispose pas de médiateur·rices interculturel·les mais les travailleur·reuses parlent souvent plusieurs langues, facilitant l’accès et le contact avec les TDS. Par exemple, avec les TDS chinoises cela a été compliqué, puis une personne parlant le Chinois a accompagné Espace P et cela a facilité le contact et la relation de confiance ; il y a aussi des cours de français pour les TDS ;
- Certains acteurs constatent parfois être en contact avec des femmes sans-abris qui se prostituent mais sans que ces dernières ne le disent ou n’osent le dire: Espace P partage plusieurs balises pour savoir comment ouvrir le dialogue et communiquer avec finesse, balises disponibles sur le site Internet d’Espace P. (comprenant des catégories différentes telles que “je suis travailleur-euse du sexe”, “je suis travailleur·euse du sexe et migrant”, je suis travailleur·euse social”, “je suis étudiant·e et travailleur·euse du sexe”) ;
- Les personnes TDS en contact avec les structures généralistes disparaissent souvent des “radars”. Cela inquiète les intervenants car ils ne savent pas comment interpréter ce phénomène. Cela pose des questions aux structures et aux professionnels généralistes. Espace P. indique d’une part que le turn-over reste important et d’autre part qu’il est essentiel de pouvoir prendre le temps, de s’assurer que la réponse proposée convient bien, de décrypter avec bienveillance les mots et les gestes pour ensuite mieux accompagner.